Le cyanotype est un art solaire. C’est une pratique ancienne et que je trouve poétique. Elle est profondément ancrée dans la science des rayons UV. Dans un climat tropical comme celui de La Réunion, ou je vis actuellement , même en hiver austral, comprendre la lumière UV devient un savoir précieux, un allié créatif… voire un compagnon spirituel.
Dans cet article, je vous propose une exploration simple, mais approfondie, autour de la relation entre cyanotype et rayons UV. Que vous soyez artiste débutant ou confirmé, ces clés vous aideront à affiner votre pratique en conscience.
Qu’est-ce que les rayons UV et pourquoi sont-ils essentiels en cyanotype ?
Les UV (ultraviolets) sont des rayonnements invisibles à l’œil nu, situés juste au-delà du violet dans le spectre lumineux. Ils sont émis naturellement par le soleil, et se divisent en trois types :
- UVA : pénétrants, diffus, ils représentent la majorité des UV qui nous atteignent.
- UVB : plus courts et plus intenses, ce sont eux qui provoquent les coups de soleil… et qui activent efficacement les procédés photosensibles.
- UVC : bloqués par la couche d’ozone, ils ne nous concernent pas ici.
Dans la technique du cyanotype, ce sont les UVA et UVB qui permettent de transformer la chimie sensible en pigment bleu de Prusse. Sans rayons UV, il n’y a pas de révélation, pas d’image.
Cyanotype et UV sous un climat tropical : une alchimie particulière
À La Réunion, nous bénéficions d’un ensoleillement riche en rayons UV toute l’année. Mais l’intensité et la qualité de cette lumière varient selon plusieurs facteurs :
- la saison (été ou hiver austral),
- l’heure de la journée,
- la couverture nuageuse ou brumeuse,
- l’altitude ou l’exposition du lieu.
En hiver austral :
- Le soleil est plus bas sur l’horizon, les ombres sont plus longues.
- L’intensité UV reste suffisante pour le cyanotype, mais les temps de pose sont plus longs.
- Les plages horaires optimales pour imprimer se situent entre 11h et 14h.
Astuce de praticienne : en hiver, je fais des tests de bande d’exposition en commençant à 5 minutes, puis 10, 15, 20. Cela me permet d’ajuster selon la lumière du jour et la finesse des détails recherchés. Et en tenant un petit carnet de mes expérimentations .
Cyanotype et lumière UV : une réaction photochimique vivante
Le cyanotype fonctionne grâce à une réaction entre les sels de fer photosensibles et les rayons UV. Plus la lumière est intense, plus la transformation sera rapide et profonde. Ce processus se fait à la surface du papier, mais aussi en profondeur, selon sa texture.
Par exemple :
- Un papier coton texturé retiendra la chimie et donnera un bleu plus doux, nuancé.
- Un papier lisse donnera une image nette et contrastée.
- Un jour sec et ensoleillé favorisera un bleu tranché.
- Un jour humide ou voilé produira un rendu plus atmosphérique, onirique.
Observer les UV au quotidien : créer en conscience
Dans ma pratique, les UV ne sont pas seulement une donnée technique : ce sont des partenaires vivants. Je crée dans une relation d’écoute avec la lumière, la météo, l’instant. Cela m’invite à ralentir, à ressentir et à observer.
Créer un cyanotype, c’est :
- se demander quelle est la lumière du jour,
- choisir son moment d’exposition avec présence,
- accepter les surprises de la lumière naturelle (voile nuageux, vent, humidité…).
C’est une invitation à faire avec plutôt que contre. C’est joli non , comme moment de co- création !
Cyanotype et rayons UV : des exemples concrets
Voici quelques observations issues de ma pratique à La Réunion :
- Un ciel couvert réduit les UV, même si l’œil perçoit beaucoup de lumière.
- Une journée légèrement voilée donne un bleu plus diffus, presque vaporeux.
- Un soleil d’hiver très sec peut produire des contrastes forts, mais aussi un durcissement du papier.
- Une impression réalisée à 9h en hiver peut être deux fois moins exposée qu’à 12h.
> Ces détails transforment une même image en expérience sensible différente.
Faut-il utiliser des lampes UV artificielles ?
Certain·es cyanotypistes choisissent d’utiliser des boîtes à lumière UV ou des lampes UV pour sécuriser leur pratique. Cela permet de standardiser les temps d’exposition, de travailler en intérieur, ou encore de continuer à créer en période de faible ensoleillement.
C’est une option précieuse, surtout en contexte urbain, en hiver rigoureux, ou pour des projets professionnels où la régularité est un besoin.
De mon côté, j’ai fait un autre choix : celui de travailler en extérieur, avec la lumière solaire, même changeante, même capricieuse parfois. Le climat de lile de la Réunion , me facilite grandement ce choix , je l’avoue.
Ce n’est pas un rejet du matériel artificiel, mais plutôt une posture sensible, presque spirituelle. Pour moi, le cyanotype est une méditation solaire, un rituel quotidien avec l’invisible. Chaque tirage est empreint du jour qui l’a vu naître : la qualité de la lumière, l’heure, l’humidité de l’air, le vent, l’intensité du soleil — tout cela entre dans l’image.
Travailler avec les rayons UV naturels, c’est accepter de composer avec le vivant, d’accueillir l’imperfection, le hasard, la surprise. C’est aussi une manière de me relier à l’île de La Réunion, à son ciel et à sa respiration.
Ce que je cherche à imprimer, ce n’est pas seulement une image : c’est un instant, un climat, une vibration.
Chacun·e trouvera le mode de création qui lui convient selon ses valeurs, son contexte et son intention. L’essentiel reste, à mes yeux, de créer avec présence et conscience, que ce soit sous une lampe UV ou sous le soleil du midi.
Petites réflexions à méditer pour les cyanotypistes
Que vous soyez amateur·rice ou passionné·e, posez-vous ces questions :
- Avez-vous remarqué l’impact des rayons UV sur vos bleus ?
- Comment votre humeur ou votre rythme influencent-ils votre temps d’exposition ?
- Que dit la lumière du jour dans vos créations ?
- Que se passe-t-il quand vous laissez l’imprévu entrer dans le processus ?
Conclusion : une lumière invisible, une puissance révélée
Comprendre les rayons UV dans la pratique du cyanotype, c’est apprendre à lire une lumière invisible, à dialoguer avec une énergie subtile mais bien réelle. C’est aussi choisir une relation plus fine au monde, entre technique, intuition et présence.
À La Réunion, cette lumière solaire, changeante et vivante, m’invite chaque jour à une danse entre contrôle et lâcher-prise. Rien n’est jamais totalement prévisible. Et c’est justement là, dans cette vibration entre ombre et lumière, que naissent mes bleus.
C’est aussi ce que je transmets lors de mes ateliers d’initiation ou d’exploration :
Offrir aux participants l’occasion d’expérimenter la lumière naturelle,
D’observer comment elle imprime le végétal ou le textile,
De ressentir cette alchimie entre le geste, le temps, l’élément.
Car bien plus qu’une technique, le cyanotype est pour moi un espace d’écoute, de création consciente et d’émerveillement partagé.